Clowns en diagonale

En banlieue nord de Périgueux (Dordogne) Boulazac se distingue par une immense zone commerciale qui doit rapporter de confortables taxes à la commune. Intelligemment, la municipalité a investi une partie de ces recettes dans des équipements culturels de qualité et obtenu le label Pôle national du Cirque. Label également détenu par la petite ville de Nexon en Limousin. Poussez jusqu’à Limoges, au nord de Nexon et Sarlat, au sud de Boulazac, tirez une diagonale, ajoutez des clowns (modernes) et vous obtenez, du 6 décembre 2019 au 1er février 2020 , une « diagonale des clowns » soit une quinzaine de spectacles et ateliers dans les quatre villes pré-citées.

Dans ce cadre, mardi 10 décembre ,les Nordistes Gilles Defacque (compagnie le Prato de Lille) et Clément Delliaux (compagnie de l’Oiseau-Mouche de Roubaix) ont proposé à l’Agora de Boulazac un duo loufoque et tendre, réinventant l’art de se donner la réplique dans « Clément ou le courage de Peter Pan ». Defacque est un vieux de la vieille de la scène ; il a créé la troupe du Prato voici plus de quarante ans. Le jeune Clément Delliaux – qui assume avec brio son handicap et en fait un atout sur scène – marche, au propre et au figuré, sur les traces de son aîné. Comme le souligne à juste titre le programme « la transmission, la filiation affleurent dans cette burlesque et émouvante épopée ».

Le duo se produit également le 13 décembre à Limoges (théâtre de l’Union).

L’intégralité du programme de la diagonale des clowns est en ligne :

http://www.agora-boulazac.fr

http://www.lesirque.com

http://www.theatre-union.fr

http://www.sarlat-centreculturel.fr

Bordeaux et son passé négrier

Bordeaux a été, avec Nantes, l’un des pôles majeurs du commerce triangulaire français, terme convenu pour désigner la scandaleuse traite d’esclaves africains vers l’Amérique par les Européens en échange de marchandises.

L’historien Eric Saugera, éminent spécialiste de la traite, estime que « sur une durée d’environ un siècle et demi (XVIIe-XIXe), des dizaines de milliers de marins, armateurs, investisseurs, marchands, artisans, fabricants, ont participé à la préparation d’environ cinq cents expéditions négrières bordelaises qui ont déplacé plus de 100 000 tonneaux et enlevé à l’Afrique entre 130 000 et 150 000 de ses habitants. On situe « l’âge d’or » de la traite dans la décennie 1783-1792 où la bourgeoisie commerçante organise plus de la moitié (225) des opérations de toute l’histoire du port. 186 armateurs y participent ; certains n’organisent qu’une seule expédition, d’autres jusqu’à vingt-cinq. Quoiqu’il en soit de formidables fortunes se sont édifiées dans le Port de la Lune sur l’esclavage, que ce soit par la traite ou son corollaire la possession de plantations aux îles.

La période où l’on occultait peu ou prou le souvenir de cette « noire » période semble cependant révolue. Bordeaux a progressé à petits pas. L’odonymie trace sa voie : un inventaire des rues ( 22 ou 7 ? les avis divergent) portant le nom d’un armateur, d’un colon ou d’un capitaine de navire ayant bénéficié de la traite est en cours. Pour être complet précisons que 4 artères bordelaises (dont malgré tout deux impasses !) rendent hommage à des personnalités ayant oeuvré en faveur de l’abolition de l’esclavage.

Le 10 mai dernier a été inaugurée la statue de Modeste Testas, ancienne esclave dans la plantation haïtienne de négociants bordelais. Elle est érigée face aux Entrepôts Laîné, jadis dédiés à l’entreposage du sucre, transformés en lieu culturel dans les années quatre-vingts. Le CAPC, centre d’art contemporain accueille ainsi en ce moment une exposition en lien direct avec l’esclavage. Il s’agit de l’oeuvre intitulée « Naming the money » de Lubaina Himid, artiste née à Zanzibar : une centaine de silhouettes en contreplaqué peint évoquent les serviteurs esclaves africains à qui la plasticienne restitue non seulement un corps mais aussi un nom, leur nom, à côté de celui dont les affublaient leurs maîtres et qui témoignaient du mépris dans lequel ces derniers tenaient leurs serviteurs.

Un regret : une traduction en français des cartouches accolés à chaque silhouette découpée constituerait un plus sans dénaturer l’oeuvre artistique.

L’exposition se tient au CAPC, musée d’art contemporain de Bordeaux jusqu’au 23 février 2020, ouverture du mardi au vendredi, de 11 H à 17 H 30; le samedi de 11 H à 17 H et le dimanche de 11 H 30 à 17 H.

Les Misérables à Périgueux

Vendredi 15 novembre les abonnés de CinéCinéma, ciné club de Périgueux, ont bénéficié d’une avant-première du film de Ladj Ly suivie d’un débat avec l’assistante monteuse , Alice.

La Dordogne a beau être géographiquement et sociologiquement éloignée de Montfermeil plus d’une centaine de spectateurs s’étaient déplacés. Les quelques minutes de silence qui ont suivi la projection témoignaient de l’effet « coup de poing » – au sens de poignant – de ce film et de son caractère universel. Le cinéma, parfois et même souvent, réussit à transmettre une réalité sociale mieux qu’un long discours ou une étude sociologique.

28 février 2019 : Les Misérables obtiennent 4 César : meilleur film, meilleur espoir masculin, César du public et meilleur montage. Flora Volpelière dans ses remerciements a associé toute son équipe, dont Alice qui était venue présenter le film à Périgueux.

 » La France est notre pays, faisons-en un grand pays. le seul ennemi ce n’est pas l’autre, c’est la misère » a déclaré avec conviction et sans emphase inutile, le réalisateur Ladj Ly en recevant le prix du meilleur film.

Sarlat, les lycéens et le cinéma

En novembre on ne se rend pas à Sarlat pour visiter la maison de la Boëtie ni pour flâner dans les rues ou sur les places de la cité médiévale. Il fait froid et humide, un temps à aller au cinéma. Ça tombe bien : le Rex accueille la 28ème édition du festival du film. L’idée géniale des créateurs est d’avoir dédié les cinq jours aux lycéens. 600 venant de 30 lycées de toute la France se réunissent ainsi non seulement pour assister à la projection en avant première de 3O longs métrages français et étrangers et autant de courts métrages, mais aussi pour débattre, voter pour les films en compétition et surtout préparer leurs propres très courts métrages avec l’aide de professionnels.

Le Rex (six salles) est un lieu chaleureux, l’équipe du festival disponible et ouverte. Un vrai bonheur !

Le festival du film de Sarlat se termine le 16 novembre. Il est placé cette année sous le signe d’Agnès Varda.

Un pas de danse

La rivière flâne sous les frênes et les saules, bordant une petite route qu’il ne faut pas louper à gauche juste après le pont en venant du village de Saint-Médard-d’Excideuil. Un bâtiment blanc s’étire à l’opposé de la berge. On y est ! Encore faut-il la savoir car les signes distinctifs sont vraiment bien peu visibles : un petit panneau juste après le pont puis à l’entrée de l’usine. Repetto, champion français du chausson de danse et de la ballerine, installé en Périgord depuis 1967. La créatrice de la marque (en 1947), Rose Repetto, mère de Roland Petit, y a délocalisé la fabrication des célèbres ballerines Cendrillon, Richelieu Zizi, mocassins Michael…

Une discrète caverne d’Ali Baba

Le magasin d’usine constitue une discrète caverne d’Ali Baba. Y sont en effet vendus à des prix très nettement en dessous du commerce (trois à quatre fois moins cher !), des articles de second choix dont en réalité seul un oeil expert peut distinguer le défaut. Le choix est très vaste. Deux personnes souriantes mais réservées (aucun risque d’être poussée à la consommation) tiennent la boutique et expliquent à grands traits, si on les interroge, la technique du cousu retourné, marque de fabrique de Repetto. On essaie en toute tranquillité. Seule contrainte : ne pas dépasser l’achat de dix paires par personne (!).

Du tourisme industriel classe ! Et l’été une accueillante climatisation ajoute au plaisir de ce shopping de luxe en rase campagne périgourdine.

Le magasin d’usine est ouvert du lundi au samedi de 10 H à 18 H.

Bleu sur noir

Il faut faire vite, très vite : l’exposition Yves Klein qu’offre le musée Soulages de Rodez ferme le 2 novembre. Et ce serait vraiment dommage de ne pas pouvoir s’immerger dans le bleu IKB (International Klein Blue) auquel deux salles sont consacrées. Même les pires détracteurs de Klein (et il s’en trouve encore hélas) ne résisteront pas.

Le musée Soulages, hommage à un peintre vivant dans sa ville natale, est, par ailleurs, d’une beauté de rouille et de noir. Un bien beau vagabondage. Soulages aura cent ans bientôt et le Louvre lui ouvrira ses portes à cette occasion. Le peintre réalise une oeuvre monumentale dont il fera don au plus fréquenté des musées nationaux…

L’une des oeuvres de Sulages
un crin de rouille austère et chaud

détour contemporain

Burning souls – Gilbert et George

Premier vagabondage en Périgord : le château de Biron, massif assemblage de pierres qui a traversé les siècles – du XIIème au XVIIIème siècle – accueille jusqu’en décembre 2019 soixante oeuvres tirées des collections du Fonds Régional d’Art Contemporain (FRAC) de Nouvelle Aquitaine.

Thème fédérateur : un monde, un seul, pour demeure.

Lors de ma visite il faisait humide, le pavé des cours était gluant de bruine. Contraste saisissant de cet ensemble architectural hors normes avec la modernité des oeuvres. J’ai particulièrement aimé la démarche de Fayçal Baghriche dont la peinture est tirée de l’agrandissement de la double page du Larousse figurant la totalité des drapeaux du monde. L’artiste n’a conservé des emblèmes nationaux que les étoiles et autres motifs géométriques qui planent poétiquement dans un océan de bleu, fond céleste figurant un monde lumineux et sans frontières.

À signaler « Burning Souls » (1980 de Gilbert et George, ainsi qu’une oeuvre d’Adam « Interno con Specchio e Tapetto » (1966-67), preuves, s’il en était besoin, que le FRAC a du flair dans ses acquisitions.

J’ai également remarqué deux très belles photos : « Aline, travailleuses agricole, île Margaux, 2016 » de Maitetxu Etcheverria et « Cabane, portières, cueillir » de Francis Morandini pendant sa résidence au lycée d’Arsonval à Brive-la-Gaillarde.

Hélas les visiteurs étaient rares. Biron vaut pourtant le détour, pour son histoire, son architecture tarabiscotée, et en tant que lieu majeur de l’art contemporain en Périgord.

L’exposition est ouverte jusqu’au 1er décembre 2019 (10 h 30-13 h, 14 h-18 h jusqu’au 3 novembre ; 10 h 30-12 h 30, 14 h-17 h (fermé le lundi) du 4 novembre au 1er décembre.

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