Bordeaux et son passé négrier

Bordeaux a été, avec Nantes, l’un des pôles majeurs du commerce triangulaire français, terme convenu pour désigner la scandaleuse traite d’esclaves africains vers l’Amérique par les Européens en échange de marchandises.

L’historien Eric Saugera, éminent spécialiste de la traite, estime que « sur une durée d’environ un siècle et demi (XVIIe-XIXe), des dizaines de milliers de marins, armateurs, investisseurs, marchands, artisans, fabricants, ont participé à la préparation d’environ cinq cents expéditions négrières bordelaises qui ont déplacé plus de 100 000 tonneaux et enlevé à l’Afrique entre 130 000 et 150 000 de ses habitants. On situe « l’âge d’or » de la traite dans la décennie 1783-1792 où la bourgeoisie commerçante organise plus de la moitié (225) des opérations de toute l’histoire du port. 186 armateurs y participent ; certains n’organisent qu’une seule expédition, d’autres jusqu’à vingt-cinq. Quoiqu’il en soit de formidables fortunes se sont édifiées dans le Port de la Lune sur l’esclavage, que ce soit par la traite ou son corollaire la possession de plantations aux îles.

La période où l’on occultait peu ou prou le souvenir de cette « noire » période semble cependant révolue. Bordeaux a progressé à petits pas. L’odonymie trace sa voie : un inventaire des rues ( 22 ou 7 ? les avis divergent) portant le nom d’un armateur, d’un colon ou d’un capitaine de navire ayant bénéficié de la traite est en cours. Pour être complet précisons que 4 artères bordelaises (dont malgré tout deux impasses !) rendent hommage à des personnalités ayant oeuvré en faveur de l’abolition de l’esclavage.

Le 10 mai dernier a été inaugurée la statue de Modeste Testas, ancienne esclave dans la plantation haïtienne de négociants bordelais. Elle est érigée face aux Entrepôts Laîné, jadis dédiés à l’entreposage du sucre, transformés en lieu culturel dans les années quatre-vingts. Le CAPC, centre d’art contemporain accueille ainsi en ce moment une exposition en lien direct avec l’esclavage. Il s’agit de l’oeuvre intitulée « Naming the money » de Lubaina Himid, artiste née à Zanzibar : une centaine de silhouettes en contreplaqué peint évoquent les serviteurs esclaves africains à qui la plasticienne restitue non seulement un corps mais aussi un nom, leur nom, à côté de celui dont les affublaient leurs maîtres et qui témoignaient du mépris dans lequel ces derniers tenaient leurs serviteurs.

Un regret : une traduction en français des cartouches accolés à chaque silhouette découpée constituerait un plus sans dénaturer l’oeuvre artistique.

L’exposition se tient au CAPC, musée d’art contemporain de Bordeaux jusqu’au 23 février 2020, ouverture du mardi au vendredi, de 11 H à 17 H 30; le samedi de 11 H à 17 H et le dimanche de 11 H 30 à 17 H.

Publié par G de Matha

Désormais en "grandes vacances" j'en profite pour vagabonder en toute liberté.

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